En lumière 1
Nous avons le plaisir de vous proposer le premier volet d’une série de portraits qui sont autant de visages de notre Unité Pastorale que nous souhaitons mettre en lumière.
Nous avons interviewé Gaëtane Verbruggen, une paroissienne de Sainte-Croix, qui a restauré quatre panneaux du chemin de Croix, dégradés à l’automne dernier.
En tant que restauratrice d’oeuvre d’art, Gaëtane a mis son savoir-faire au service de l’Eglise. C’est son témoignage que nous vous livrons aujourd’hui.
Merci Gaëtane!
Chère Gaëtane, peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’habite à Ixelles depuis 1998. Mariée avec Benoit en 2000, nous avons trois enfants (magnifiques, bien sûr !) de 17, 16 et 12 ans. Nous sommes paroissiens de Sainte-Croix. J’exerce le métier de conservateur-restaurateur de peintures anciennes depuis 1995. J’ai étudié l’archéologie et l’histoire de l’art à l’UCL (Université Catholique de Louvain), puis j’ai été stagiaire pendant 4 ans au Laboratoire des Œuvres d’art par les méthodes scientifiques de l’UCL, et c’est au sein de son atelier que j’ai appris la conservation-restauration de peintures.
Tu as restauré 4 œuvres du chemin de Croix de Sainte-Croix. Elles ont le mois dernier retrouvé leur place à l’entrée de l’église. Comment s’est déroulé ce travail ?
Fin octobre dernier, un ou une inconnue est entré dans l’église et a peint le chiffre 6 à la bombe de peinture blanche sur 4 stations du chemin de croix, celles qui étaient de part et d’autre de l’entrée principale. Luc Terlinden m’a tout de suite contactée, j’ai pu faire des tests, la peinture blanche était encore soluble, mais un solvant assez fort était nécessaire et celui-ci enlevait en partie le vernis ancien encrassé par la suie. Mes tests révélaient déjà une couche picturale originale bien plus claire et lumineuse ! Des problèmes d’adhérence avec écaillages et lacunes de la couche picturale étaient aussi visibles. Heureusement, l’assurance a pu prendre en charge le coût financier du traitement de conservation-restauration des 4 stations.
Acheminer les 4 stations dans mon atelier (qui est au troisième étage de notre maison avec 6 volées d’escalier) n’a pas été une partie de plaisir. Chaque station est peinte sur une plaque de cuivre rouge encadré d’un cadre en chêne et pèse environ 25 kg.
Le traitement consistait principalement en un fixage de la couche picturale (fixer les écailles de peinture et éviter leur future chute) et au dévernissage des peintures. Le vernis était imprégné d’une couche de crasse noire, de la suie principalement, celle de plus d’un siècle de la fumée des bougies de l’église ! Ce chemin de croix a été offert à l’église Sainte-Croix par un paroissien, Antoine de Mol, en 1891 (son nom est gravé sur chaque cadre des 14 stations du chemin de croix).
J’ai eu énormément de joie à exécuter ce travail. C’était assez physique et long comme journées de travail. J’avais comme objectif de ramener les œuvres à l’église avant le début de la semaine sainte. Redonner vie à tous ces personnages, retrouver une couche picturale colorée et lumineuse sous cet épais vernis noirci est très gratifiant. Je ressens réellement des émotions esthétiques lors du dévernissage, d’autant plus fortes que la qualité artistique des œuvres est grande.
Restaurer une œuvre religieuse, ce n’est pas un travail anodin. A-t-il revêtu une dimension particulière pour toi ?
Cela m’a particulièrement touchée de pouvoir restaurer des stations du chemin de croix pendant le Carême. Penser que des paroissiens « vivraient » le chemin de croix lors de la Semaine Sainte m’a interpellée.
Etait-ce la première fois que tu restaurais une oeuvre religieuse ? Où pouvons-nous admirer ton travail de restauration ?
J’ai déjà restauré beaucoup d’œuvres religieuses, mais des œuvres encore en place dans une église, cela ne m’est arrivé qu’une seule autre fois, il y 5-6 ans avec une collègue, un autre chemin de croix d’une église en Ardenne où il y avait eu un incendie.
Sinon, j’ai eu la chance de restaurer des œuvres magnifiques pour la cure de Sainte-Croix.
Par ailleurs, je me rappelle une belle coïncidence, ou plutôt un signe au moment de nos fiançailles. Nous préparions notre messe de mariage et avions choisi comme première lecture la rencontre de Tobie et l’ange. J’ai eu cette année-là dans mon atelier 3 tableaux illustrant cette scène !
Pour finir, souhaites-tu nous faire part de la manière dont tu as vécu cette dernière année ? La période que nous traversons avec ses difficultés a-t-elle été propice à l’expression artistique ?
Je ne parlerais pas d’expression artistique à propos de mon métier. Nous conservons et restaurons des œuvres d’art. Notre mission est de mettre en lumière les œuvres d’artistes, en respectant leur expression artistique sans y mettre la nôtre. Nous restons en retrait.
Mon métier étant assez solitaire, je dirais simplement qu’avec ce confinement, le télétravail et les cours scolaires à distance un jour sur deux, je n’avais plus jamais la maison pour moi toute seule ! Ma concentration s’en est sans doute un peu ressentie. Mais j’ai la chance d’avoir toujours eu assez de travail pendant cette période.
Propos recueillis par l’équipe Com’UP, mai 2021
Dernière mise à jour : 19/6/2021