Homélies de la semaine du 29 mars

Un petit commentaire quotidien de la Parole de Dieu...

© A.P., Église catholique à Bruxelles, 2020
© A.P., Église catholique à Bruxelles, 2020

Dimanche 29 mars

Les lectures de la messe sont disponibles sur aelf : Dimanche 29 mars 2020

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Abbé Bruno Druenne

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Un homme était tombé malade.

En ces temps d’épidémie, il est possible que nous ayons des amis, des proches, ou même nous-même, qui tombions malades.

Quand les choses se passent mal, parfois on s’affole, on essaye de s’en sortir par soi-même, et Dieu passe au deuxième plan. Telle n’est pas l’attitude de Marthe et de Marie, elle se tournent simplement vers Jésus en présentant leur demande, « celui que tu aimes est malade ».

Dans les temps présents nous pouvons faire comme les deux sœurs et lui présenter humblement tout ceux pour qui nous prions. Seigneur, un tel que j’aime est malade ; Seigneur un tel que j’aimais est mort.

Oui présentons-lui tous ceux que nous aimons, ceux pour qui nous nous inquiétons. Il saura, lui, ce qu’il convient de faire.

Cette angoisse et cette tristesse des deux sœurs est bien contemporaine de la nôtre car la maladie nous renvoie toujours à la fin de notre vie. Autrefois, comme aujourd’hui, la mort reste ce mur infranchissable devant lequel l’homme bute.

Mais aujourd’hui, comme il y a deux milles ans, Jésus vient… en prenant son temps.

« Cette maladie ne conduit pas à la mort », nous dit-il. Puis deux jours après, Jésus affirme que Lazare est mort. Le Christ se serait-il trompé ? Derrière cette lenteur et cette contradiction apparente, le Christ souhaite déplacer le curseur de notre regard sur la mort.

« Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! » Cette affirmation de Marthe dénote une légère tendance à prendre Jésus pour un guérisseur : Seigneur, affranchis-nous des limites des lois de la nature.

Puis, « mon frère ressuscitera au dernier jour ». Marthe sous-entend une discontinuité entre la vie terrestre et la vie céleste.

Comme nous sommes proches des réactions de Marthe. Marthe voit encore avec ses yeux de chair, il lui faut aller plus loin. Le Christ se charge de l’enseigner, tout comme chacun de nous. 

Jésus veut nous conduire à la foi, à voir les réalités surnaturelles, invisibles à nos yeux de chairs. « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. »

La résurrection n’appartient pas à un futur lointain, mais elle a lieu ici et maintenant. Elle advient dans la rencontre de la personne de Jésus et dans la foi en Lui. La vie éternelle ne signifie plus d’abord notre existence naturelle, ou la vie après la mort, mais l’existence marquée par une authentique relation au Fils de Dieu. 

Si nous sommes capable d’affirmer, comme Marthe que nous croyons que Jésus est la résurrection et la vie, c’est qu’une grâce surnaturelle nous a été donnée. Celle de voir déjà dans notre vie la présence du Seigneur. Et même la mort naturelle ne peut pas briser la relation nouée avec le seigneur. 

La vraie mort que nous avons à redouter, ce n’est pas tant pas la finitude de notre corps, elle est inéluctable, que la rupture de notre relation à Dieu. Cette séparation, elle peut intervenir dès ici-bas, si nous n’y prenons pas garde. Et c’est bien contre ce virus éminemment mortel que le Christ veut nous protéger.

Il y a en ce moment des Marthe et des Marie qui ont un Lazare malade et peut être déjà au tombeau. Le Seigneur ne reste pas insensible à leur douleur, même si dans toute l’humanité seul Lazare a été ré-animé. Jésus se rend présent mystérieusement au chevet des malades, et il leur donne, par la foi, la force d’affronter sans crainte la perspective de leur mort.

Même dans cette situation ultime, nous nous savons main dans la main avec le Seigneur, pour traverser victorieusement cette épreuve. Cette mort qu’il a lui-même vécue et vaincue, pour chacun de nous.

Lazare est sorti les pieds et les poings liés et le visage enveloppé d’un suaire, signe qu’il retournait dans notre vie mortelle avec ses entraves. Le Seigneur ne nous a pas promis de nous réanimer mais de nous ressusciter. Quand, à l’appel de notre nom, nous entendrons le Seigneur crier d’une voix forte « viens dehors », nos membres seront pleinement délies et le suaire sera rangé à sa place, pour entrer dans la vraie liberté des enfants de Dieu. 

Paradoxalement, ce temps de privation eucharistique peut nous permettre d’éprouver notre attachement au Christ. En ces temps de confinement, pour beaucoup d’entre nous la séparation de nos proches nous fait ressentir combien ils nous manquent, et combien la vie n’a plus la même saveur en leur absence. Nous n’avons encore jamais été séparé du Seigneur, la messe dominicale avait lieu tous les dimanches quoiqu’il arrive. Et pour la première fois, nous ressentons ce manque. Plus d’assemblée dominicale, fini tous ces visages que nous aimions, fidèles, diacres, prêtres, et avec lesquels nous formons le peuple des croyants, le peuple de Celui que nous aimons : le Christ. Et puis… fini la communion eucharistique, même si la communion de désir et les moyens de communication moderne pallient en partie à ce manque.

Si nous ressentons cette douleur de la séparation, et que nous attendons avec impatience la joie de nous retrouver tous autour de Notre Seigneur, alors peut-être, comme pour Marthe, comme pour Marie, le Seigneur est-il vraiment devenu pour chacun d’entre nous la résurrection et la vie. Nous sommes habités par Celui qui nous donne l’espérance de croire que même si nous mourrons, nous vivrons pour toujours avec Lui.

 « Oui Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de dieu, tu es Celui qui vient dans le monde ! »

 Amen

Jérôme Walewski, diacre

Lundi 30 mars

Lisez d’abord sur le site de Prions en Église la première lecture, le psaume et l’évangile (que vous pouvez aussi écouter ci-dessous)

 

Il y a une femme. Seule face à la foule qui l’accuse. Elle est face à sa mort. Elle a peur. On ne sait pas grand-chose de sa faute, des circonstances de ce dont on l’accuse. Dans la première lecture, on a pu comprendre qu’une accusation peut être non fondée. Il peut y avoir incompréhension. Il peut y avoir une mauvaise interprétation d’un geste, d’une situation. Il peut y avoir un complot, une vengeance. On n’en sait rien. Mais le résultat est là : la solitude. Être seule, objet de la haine et de la violence des autres. Elle est certainement honteuse. Elle n’a rien pour se justifier. On ne lui demande même pas son avis. Elle ne parle pas.

Ces sentiments de honte et de solitude dans le péché, peut-être le connaissons-nous ? Une bêtise que nous avons faite, un geste déplacé ou une parole malencontreuse. Un désir inavoué, voire inavouable, qui nous enferme. La peur du regard des autres est encore plus terrible que la faute elle-même. Alors on se tait. On ne fait rien. On espère que ça passe.

 

Jésus et la femme adultère, Boissoudy
© Jésus et la femme adultère, Boissoudy

Il y a ces hommes qui accusent, qui veulent mettre à l’épreuve Jésus, qui utilisent une femme qui a fauté pour essayer de prendre Jésus en défaut. Mais que veulent-ils au fond ?

Le mal est parmi eux. Le péché est parmi eux. Cette femme qui fait partie de leur communauté manifeste le péché. « Tu ôteras le mal du milieu de toi », leur a dit Moïse (Dt 17, 7c). Cette femme représente le mal au milieu d’eux, eux le peuple élu par Dieu. Il faut tuer cette femme pour faire disparaître le péché. Moïse l’a dit.

C’est une tentation qui nous habite souvent aussi : pointer le doigt vers ceux que nous jugeons responsables de nos malheurs, vers ceux qui ne font pas comme il faudrait. Ceux qui ne se protègent pas comme il faut pendant le confinement, ceux qui n’ont pas fait attention à la réserve des masques, ceux qui profitent du système, ceux qui ont acheté des quantités incroyables de papier toilette, ceux qui ont vidé les rayons de ma grande surface, et tant qu’on y est, pourquoi pas ces étrangers qui nous ont certainement apporté ce satané virus … Tout ce qui ne va pas vient de ces gens que je pointe du doigt, que j’accuse de mon malheur d’aujourd’hui.

Les hommes veulent aussi mettre Jésus à l’épreuve. Mais qu’est-ce qui pourrait mettre Jésus à l’épreuve à ce moment-là, entre cette femme angoissée de perdre sa vie et ces hommes haineux. Ces hommes haïssent cette femme qui est le mal parmi eux, et ils haïssent aussi Jésus qui perturbent leurs convictions, leur confort moral construit sur la loi de Moïse. Ils veulent mettre Jésus à l’épreuve de sa fidélité à cette loi de Moïse. Mais ils ne se rendent pas compte qu’il le mette en réalité à l’épreuve de sa miséricorde infinie.

 

Il y a Jésus qui baisse les yeux. Peut-être ne veut-il pas rajouter son regard à celui des autres. Peut-être ne veut-il pas alourdir le sentiment de honte vécu par la femme. Jésus est là, image du Père ; il est là, Dieu parmi nous. La femme est devant lui. « Si une femme se détourne de son mari et lui devient infidèle (…), [le] prêtre la fera approcher et se tenir debout devant Yahvé », lit-on dans le livre des Nombre (Nb 5, 12.16). Et bien nous y voilà : la femme est devant Dieu.

Jésus ne cherche pas le coupable. Il appelle à nous regarder nous-mêmes. À chacun de faire son examen de conscience. Le mal existe. Il le sait. La femme le sait. Je le sais. Je le vis, parfois très fort. Dieu, qui est amour, est absent des cœurs haineux qui entourent cette femme. Dieu, qui est amour, est absent de mes jugements sur les autres. Dieu, qui est amour, ne peut qu’appeler à l’amour. Jésus ne juge pas la femme. Il ne juge même pas cette foule haineuse. Il l’appelle à se retourner en elle-même, à voir le mal qui a déjà agi en elle. Il m’appelle à voir le mal qui a déjà agi en moi.

 

La femme était face à la mort. Elle se retrouve face à l’Amour, face à la miséricorde infinie de Dieu. Aujourd’hui, là, maintenant, aurai-je l’audace de regarder mes fautes et de me mettre devant la miséricorde infinie de Dieu ?

André Vanderstraeten, diacre de l’unité pastorale

Mardi 31 mars

Lisez d’abord les lectures du jour sur aelf.org.

L’évangile est aussi disponible en audio ci-dessous : Jn 8, 21-30.

 

Élevé sur la croix pour désigner et vaincre le mal

Église Sainte-Croix, Ixelles
© Église Sainte-Croix, Ixelles

L’image du serpent brûlant dressée au sommet d’un mât, dans la première lecture (Nb 21, 8),  peut nous intriguer. Nous savons aujourd’hui que c’était une image de divinité païenne répandue à l’époque.  Mais ici, c’est bien le Seigneur, le Dieu unique, qui est à l’œuvre en commandant de dresser ce mât. Il en fait un instrument de guérison et de miséricorde : celui qui est mordu par le serpent et qui regarde vers le serpent de bronze garde la vie dit le Seigneur. La foi en cette parole est source de vie et de guérison.

Mais une chose m’a toujours interpellé : l’image de la cause du mal, le serpent, est aussi le moyen de sa guérison. N’est-ce pas une manière de remettre le mal à sa place ? Car nous sommes souvent tentés, face au mal, par le déni ou le refoulement. Ou, à l’inverse, de voir en ce mal la fin du monde, du mien pour le moins… N’est-ce pas aussi ce qui arrive à celui qui découvre qu’il est atteint d’une maladie grave ? La douloureuse actualité de la pandémie nous le montre.

C’est alors qu’un regard de foi sur ce mal, reconnu mais « recadré » par le Seigneur dans son plan de salut, vient nous libérer. Dans l’évangile (Jn 8, 21-30), Jésus lui-même, le Fils de l’homme, est élevé : sur la croix, il porte le mal et le péché. Paul dira même qu’il est identifié au péché (cf. 2 Co 5, 21). La cause de sa condamnation à mort devient la cause de notre salut.

Jésus est, par ailleurs, désigné par le nom divin – « Je suis » – révélé à Moïse au buisson ardent. Ce nom est aussi celui de la miséricorde du Père, qui voit la misère de son peuple et le libère. Sur la croix, Jésus révèle qui il est et toute la richesse de la miséricorde du Père. En s’abandonnant totalement à lui, car il fait « toujours ce qui lui est agréable ». Alors le mal, dénoncé par la croix, n’a pas le dernier mot. Le dernier mot est pour le Père, qui a enseigné le Fils et qui est toujours avec lui.

En ce temps de la passion, qui a débuté avec la cinquième semaine de carême, nous sommes invités à rejoindre tous ceux, nombreux, qui crurent en Jésus sur ces paroles. En nous parlant du Père et de sa miséricorde indéfectible, il donne salut et guérison.

 

Ab. Luc Terlinden

Mercredi 1er avril

Lisez d’abord les lectures du jour sur aelf.org.

L’évangile est aussi disponible en audio ci-dessous : Jn 8, 31-42 (fourni par Prions en Église).

 

« …alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »

C’est bien aujourd’hui, premier avril, qu’il fallait parler de la vérité, sans blague !

Pour nous en parler, Jésus la relie d’abord à lui-même, à sa parole, au fait d’y être fidèle, caractéristique des vrais disciples. Le Christ est en effet lui-même « le Verbe de Dieu », « Parole éternelle du Père », pleine et entière révélation de Dieu pour l’humanité. En écoutant fidèlement le Christ, en s’attachant à ce qu’il nous révèle, le Père, on devient vraiment disciple du Christ car avec lui on ne cesse d’apprendre toujours plus qui est Dieu, on ne cesse de mieux le connaître, on se sait de plus en plus aimé et appelé à répondre à cet amour, à l’image de Jésus. Il nous révèle ainsi non seulement la vérité du Père mais aussi la vérité de l’humanité dans ce qu’elle est appelée à être, dans ce qu’elle a de plus abouti : enfant de Dieu ! « …Alors vous connaîtrez la vérité », la vérité qui est Dieu lui-même, sa paternité parfaite, vérité dans laquelle il nous inscrit en tant que ses enfants, notre identité la plus vraie, notre être le plus profond que nous sommes appelés à devenir dans toutes les dimensions de notre vie.

Hergé, Tintin et le Lotus bleu
Hergé, Tintin et le Lotus bleu

Cette Vérité, qui est divine et à laquelle Dieu veut nous faire participer, est profondément liée à la liberté : « la vérité vous rendra libres ». On est donc très loin de l’extrait de bande-dessinée ci-contre où Tintin et deux vénérables chinois sont sous la menace du fils de ces derniers, Didi qui, ayant perdu la raison, est convaincu que le fait de les décapiter à l’aide de son cimeterre les fera accéder à la connaissance de la vérité… Dieu n’est pas dans ce type de contradiction. La vérité en Dieu conduit à la vraie liberté, et elle est Vie ! La vérité en Dieu est celle de l’Amour, et l’Amour ne se conçoit pas sans liberté. On comprend dès lors que le péché, qui s’oppose à l’Amour, soit aussi opposé à la liberté, à la vérité, à la Vie !

« Pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu, rejetez-vous le péché ? », vous a-t-on demandé à votre baptême. Le péché nous enferme, nous rend esclave du péché, étrangers dans la maison du Père. Par nous seuls, nous ne pouvons pas nous extraire de cet esclavage mais Jésus nous révèle qu’il est, lui, venu nous en libérer puisqu’il est lui-même parfaitement libre, entièrement Fils du Père, totalement étranger au péché. Lui qui est « à la maison » dans la maison du Père, est venu nous rendre réellement libres pour que nous soyons avec lui enfants du Père, avec lui « à la maison » ! Alors oui, recherchons et aimons passionnément ce qui est vrai, écoutons-le, Jésus, qui est chemin, vérité et vie. Laissons le Seigneur gagner en nous sur ce qui est de l’ordre du péché, et devenons ainsi toujours plus ce qu’au plus intime nous sommes déjà : enfants de Dieu !

Ab. Bruno Druenne

Jeudi 2 avril

Lisez d’abord les lectures du jour sur aelf.org.

L’évangile est aussi disponible en audio ci-dessous : Jn 8, 51-59 (fourni par Prions en Église).

Qu’est-ce que l’Homme face à Dieu ?  Cette question peut surgir à nous suite à la première lecture de ce jour.  Les êtres humains ont la fâcheuse tendance de se croire souvent invincibles, comme des super-héros que rien ni personne ne pourrait arrêter.  Ce n’est pas que nous ayons à nous écraser face à un Dieu qui voudrait nous écraser de sa toute-puissance pour nous montrer combien nous sommes en fait de bien misérables créatures.  Nous avons bien sûr du prix aux yeux de Dieu mais l’existence terrestre de chacun et chacune d’entre nous semble si courte face au règne de Dieu à l’œuvre dès la création du monde et plus particulièrement ici, lors de cette alliance élective avec Abraham, celui qu’on présente comme le père de tous les croyants (des trois grandes religions monothéistes, juifs, chrétiens et arabes) et qu’on situe déjà vers le XIXème siècle avant Jésus-Christ.  Dieu nous devance, Il nous dépasse de si forte manière en nous amenant bien au-delà de notre propre réalité, Il s’inscrit dans toute l’Histoire de notre humanité.  On ne peut que penser au très beau chant de Taizé, inspiré des paroles de saint Grégoire de Nazianze, qui s’adresse à Dieu en ces termes : « Ô Toi, l’au-delà de tout, quel esprit peut te saisir ? ».  Ou encore aux paroles du chant de Théo Mertens : « En tout temps, le Seigneur est grand ».

C’est que l’alliance de Dieu avec Abraham est un don unilatéral, un geste fort, radical et perpétuel : elle impliquera toute sa descendance qui contribuera à créer des nouvelles nations et qui comprendra des rois dont David, Salomon et Jésus comme saint Matthieu le rapporte dans le prologue de son évangile.  Moïse a d’ailleurs rappelé à Dieu cette alliance dans la première lecture de jeudi passé et Dieu a entendu combien cette alliance était importante pour Moïse et combien Il ne pouvait plus revenir sur cet engagement aussi ferme. Dieu marque d’autant plus cette alliance en donnant un nouveau nom, une nouvelle identité : Abram, qui signifie « père élevé », est renommé Abraham, qui fait allusion à ab-hamôn, « père d’une multitude », pour mieux incarner son changement de nature et de destinée.  Nous ne pouvons pas manquer de faire le parallèle avec Simon-Pierre dans le Nouveau Testament qui a été également appelé à une grande mission pour notre Église chrétienne. 

Dans l’évangile de ce jour, Jésus est à nouveau amené à devoir se justifier devant les Juifs qui ne croient pas en sa qualité de Fils de Dieu.  Ils ne s’en référent qu’à Abraham et aux autres prophètes et n’acceptent pas que Jésus se compare à eux ni a fortiori à Dieu en se disant antérieur à Abraham.  Pourtant, Pâques approche et nous en connaissons le dénouement : la résurrection de Jésus-Christ, Fils de Dieu.  Abraham a annoncé ce sacrifice et cette résurrection de Jésus à travers le sacrifice non abouti de son propre fils Isaac, c’est pourquoi Jésus dit qu’Abraham « l’a vu et a été transporté de joie ».  Nous pouvons donc nous aussi y puiser notre Foi et croire en cette affirmation forte de Jésus : « si quelqu’un garde ma Parole, il ne verra jamais la mort ».  Si nous nous efforçons au mieux à suivre les enseignements de Dieu, nous pourrons le rejoindre dans la résurrection et être auprès de Lui pour la vie éternelle.

Dieu peut parfois nous paraître éloigné, inatteignable, incompréhensible, comme le Tout-Autre, mais n’oublions pas sa Parole qui relate son alliance avec nous et ses actes d’Amour sans fin à notre égard.  Il nous devance dans notre Histoire et nous précède aussi dans la vie éternelle car Il est le « Je Suis », le « Je Suis à jamais le même » comme Il l’exprime au peuple d’Israël : « avant moi ne fut formé aucun dieu et après moi il n’en existera pas » (Isaïe 43, 10), le « Je Suis qui je serai » (Exode 3, 14).

Olivier Dekoster, assistant paroissial de l’UP

Vendredi 3 avril

Lisez d’abord les lectures du jour sur aelf.org.

L’évangile est aussi disponible en audio ci-dessous : Jn 10, 31-42 (fourni par Prions en Église).

 

Dans l’évangile de Jean, les discussions entre Jésus et les Juifs sont fréquentes. On finit par avoir l’impression d’un dialogue de sourds. Jésus parle, ils ne comprennent pas, ils veulent lui faire du mal, le tuer, il s’en va, et puis ça recommence. C’est vrai que Jésus les provoque un peu. Il dit : « Je suis le Fils de Dieu ». Imaginez que votre collègue ou votre voisin vous disent comme ça, à l’apéro : « à propos, tu sais, je suis le Fils de Dieu ». Pas sûr que vous ne le preniez pas pour un fou. Et s’il insiste, vous serez un peu agacé, non ? Chaque discussion entre Jésus et les Juifs, au-delà de la provocation et des colères, des échanges de mots qui ne sont pas compris, révèle quelque chose de Jésus et de notre relation avec lui.

Pourquoi désirer la mort d’un homme dont tous les actes témoignent de la vie ? Car les œuvres de Jésus sont nombreuses, visibles et connues. Pourquoi les Juifs ne veulent pas croire ce qu’ils voient. Parce que ce n’est pas conforme à ce en quoi ils croient. Parce que ça va à l’encontre de leur principe. Parce que Jésus souligne les contradictions dans lesquelles ils vivent.

C’est insupportable pour les juifs d’être confrontés à leurs contradictions. Ils disent croire en un Dieu sauveur, un Dieu amoureux de son peuple, et ils vivent selon des règles aveugles. Ils ne croient plus en Dieu, ils croient aux règles, aux dogmes. Les règles et les dogmes ont pris le dessus. Ils ne sont plus en relation avec Dieu. Si je crois aux règles et aux dogmes, je vois les fautes, les erreurs, les problèmes. Je vois ce que les autres ne font pas bien. Je cache ce que je fais de mal. Si je suis en relation avec Dieu, je vois l’agir de Dieu. En moi et autour de moi.

Au moment de cette pandémie du covid-19, au moment où le nombre de décès augmente de jour en jour, au moment où l’on voit nos ainés atteints massivement dans les maisons de repos, ce n’est pas facile de voir l’agir de Dieu. Au contraire, je pourrais me révolter. Jean-François est à l’hôpital ! La nouvelle tombe dans la boîte mail. Pourquoi ? Jean-François qui est si dévoué pour l’église Saint-Boniface, qui prépare la messe de chaque dimanche, qui anime la lectio divina, qui relève les troncs plusieurs fois par semaine. Jean-François est touché par le covid-19. Je pourrais m’insurger, en vouloir à Dieu. Me dire que ce monde est injuste, absurde. Et pourtant. Dans ce malheur qui frappe, Dieu agit, comme Jésus agissait en Palestine. Ce message est suivi rapidement d’une dizaine d’autres. Des paroissiens qui se manifestent, qui disent penser à lui, qui disent prier pour lui, pour ses proches. Ils attendent d’autres nouvelles. Ils sont dans la crainte et l’espoir. Ils sont miséricordieux pour Jean-François. L’Amour agit. Et cet Amour me guérit de ma révolte, de mon doute. Je peux m’unir à cet élan, prier pour Jean-François en sachant que je ne suis pas seul à prier pour lui. Nous sommes beaucoup à unir nos prières. Nous sommes en union de prière. Nous sommes rassemblés dans le Christ. Je suis délivré de mes pensées noires.

« Il a délivré le malheureux de la main des méchants », peut-on lire dans la première lecture. Quand je suis malheureux, je peux me tourner vers Jésus, vers les autres. Je peux m’unir à Dieu et aux autres dans la prière. Et Jésus me délivre.

André Vanderstraeten, diacre

Samedi 4 avril

Lisez d’abord les lectures du jour sur aelf.org.

L’évangile est aussi disponible en audio ci-dessous : Jn 11, 45-47 (fourni par Prions en Église).

Homélie

 

Depuis quelques semaines nous sommes forcés par les circonstances de vivre chacun chez soi. Le confinement accentue en nous l’aspiration à être ensemble, à être unis aux autres. Être avec les autres c’est partager, échanger, accueillir, donner et cela est fondamental puisque l’homme est un être relationnel. Ces derniers temps j’ai remarqué, et peut-être vous aussi, que nos communications à travers les réseaux sociaux nous prennent plus de temps qu’avant non pas parce qu’on a beaucoup à dire mais parce que le fait de communiquer nous donne l’impression d’être ensemble. Il est vrai qu’en communiquant nous existons en quelque sorte. D’autre part cet éloignement les uns des autres nous rappelle une réalité : nous sommes dispersés, désunis et cela malgré beaucoup d’efforts pour reconstituer cette unité par les différents moyens que mettent à notre disposition les nouvelles technologies. Toujours est-il qu’aucune vidéoconférence ne remplacera une assemblée où se vit une vraie relation humaine. Les lectures d’aujourd’hui nous rappellent qu’il existe une autre façon plus profonde et plus durable que les moyens humains pour retrouver notre unité.  

La première lecture et l’évangile d’aujourd’hui nous parlent justement de : « rassembler dans l’unité ceux qui sont dispersés. » Le prophète Ézékiel a développé ce thème du rassemblement des dispersés au moment de l’exil à Babylone. L’Ancien Testament utilise le mot grec « diaspora » pour parler de la dispersion des communautés juives hors du territoire palestinien. Pour les chrétiens ce terme est employé métaphoriquement pour les caractériser comme des « gens de passage » dont la patrie n’est pas la terre, mais le ciel. Cette dispersion, l’exil dans la tradition juive, est aussi comprise comme captivité. Le prophète Ézékiel annonce donc un grand projet de Dieu de rassembler les exilés « de tous les lieux où ils habitent et où ils ont péché, je les purifierai. » Cela sera possible puisque Dieu promet de susciter un nouveau roi David, un seul berger qui aura l’autorité de rassembler tous les exilés et « ils habiteront le pays que j’ai donné à mon serviteur Jacob, … » En fait c’est un projet de pardon, de miséricorde qui ouvre à la vie : « je conclurai avec eux une alliance de paix, une alliance éternelle ».

Cette lecture m’invite à découvrir au fond de mon cœur à quel point, peut-être, je suis exilé de Dieu, exilé de moi-même, de mon prochain. Puis-je nommer ces lieux d’exils, ces lieux de captivités que j’habite ? Que puis-je faire pour vivre plus solidaire, pour s’entraider, et ainsi vivre réellement la communion avec les autres ? Puis-je faire confiance à Dieu, à son pardon, à sa miséricorde ?

L’évangile d’aujourd’hui de saint Jean nous montre qu’il y a deux façons de parvenir à l’unité. Soit comme dit Caïphe le grand prêtre : « il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas » donc sacrifier la vie de quelqu’un, soit donner sa vie librement pour « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ». Pour saint Jean évangéliste c’est le secret de la mort de Jésus. C’est pour cela que Jésus a offert sa vie. Son intention la plus profonde est de rassembler tous les hommes dans l’unité, de faire s’aimer les hommes divisés. Il ne s’agit pas simplement d’une vision politique, ni même humaine, c’est beaucoup plus profond que toutes les notions de solidarité naturelle. « Voici mon Corps livré. Voici mon Sang versé. « …Qu’en ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés en un seul corps. » C’est dans le Christ que se réalise la vraie unité, cela au prix de sa vie livrée. Cette unité est déjà réalisée par la mort du Christ et en même temps elle ne l’est pas encore puisqu’elle sollicite notre adhésion. L’acceptation de mourir à notre égoïsme, à nos propres intérêts, à notre violence, à notre confort est déjà notre adhésion à cette grande œuvre de Dieu. Est-ce que j’y travaille ? Souvent il suffit de si peu des choses pour s’y mettre. Envoyer une carte postale, donner un coût de téléphone à quelqu’un de solitaire, proposer une course au magasin pour une personne âgée, la prier pour ceux qui sont malades et pour ceux qui les soignent. Et moi toujours en exil ?  

Pawel Slowik, scj

Célébration de ce dimanche

Dernière mise à jour : 5/4/2020